Pikachu contre les schtroumpfs

Pour ceux qui l’ignorent, je roule en scooter. Un Kymco Grand Dink 125cc, véritable GT utilitaire, qui vient de passer le cap des 40.000 km, sans grands soucis. Et pour un tarif de 25% inférieur à son équivalent chez Piaggio, avec un montant de prime d’assurance également franchement inférieur. J’habite à plus de 70km de mon lieu de travail, et je n’ai pas de voiture. Donc, j’utilise mon scooter au quotidien, et sauf tempête, neige ou tremblement de terre, je l’utilise chaque jour. L’alternative étant soit un trajet de type bus-RER-bus (2 heures), soit TER-RER-bus (2 heures 30), j’utilise rarement l’option. En plus la ligne TER est la dernière d’Île de France à ne pas être électrique, et probablement la plus en grève de tout le réseau français en nombre de jours par an. Donc, avec mon scooter, j’emprunte une superbe départementale, droite pendant près de 50 km, avec deux petits détours de village, et trois croisements anecdotiques, jusqu’à une autoroute dont la voie de droite est totalement défoncée (les plaques sont disjointes sur plusieurs centimètres). 90 km/h constants, et volontaires, au maximum, même les routiers me doublent. Et vite. Parfois, le matin notamment, aux croisements, matérialisés par des ronds-points, il y a un embouteillage. Et un matin, récent, l’embouteillage commençait près de 5 km avant le principal rond-point; probablement un accident, ou des travaux, et d’importance, vu la longueur! Autre paramètre: quand il pleut, et que l’on est en deux roues, il faut absolument éviter de rouler sur ce qui est blanc: les lignes blanches bien sûr, mais aussi les zebras, les lignes discontinues, les passages piétons, qui avec un peu d’eau se transforment tous en véritable patinoire. Et maintenir à bout de bras un scooter 125 de près de 200 kg, en glissade, c’est mission impossible, même à 15 km/h. Pour quoi toutes ces informations? J’y viens. Ce fameux matin ou l’embouteillage commençait à 5 km du rond-point, je remonte tranquillement la fille de voiture, en toute légalité, car il est possible de doubler. Je me remets dans la file à chaque fois qu’un véhicule arrive en face, en évitant soigneusement les morceaux blancs de ligne discontinue, puis je recommence une fois le véhicule passé. J’attends sagement que les véhicules s’écartent quand je tombe sur une portion de ligne continue, matérialisée par un petit terre-plein, a l’arrivée sur de petits croisements, ne nécessitant pas un rond-point. Lors d’un de ces arrêts, au dessus des arbres bordant la départementale sur toute la longueur de l’embouteillage, je vois surgir un hélicoptère de la gendarmerie, probablement une alouette, en rase-motte; une fois les véhicules écartés, je continue ma remontée, et l’hélicoptère passe plusieurs fois au dessus de la route, de gauche à droite, toujours surgissant de la cîme des arbres. Curieux. Arrivé en vue du rond-point, ne pouvant plus doubler, je me range derrière les véhicules, prenant comme tous les matins mon mal en patience.

Le Rond Point

Devant le rond-point, un gendarme mobile, me fait signe de me ranger sur le côté. Pas d’accident, pas de travaux, juste trois gendarmes, un fourgon et deux motos. Car après, c’est fluide, dans toutes les directions. Motif de l’arrêt: « Bonjour Monsieur, Gendarmerie Nationale, vous avez franchi une ligne blanche continue et doublé un véhicule par la droite, papier du deux roues s’il vous plait ». Je m’exécute, et demande au Gendarme antillais (je l’ai appris plus tard car en bon réunionnais, je suis toujours content de rencontrer un compatriote, et les accents ne sont pas toujours évidents à localiser) comment il peut avoir cette certitude, de là ou il est. Réponse: « Monsieur, avec votre couleur, l’hélicoptère n’a pas eu de mal à vous suivre ». Bon. J’ai vaguement argumenté sur l’improbable possibilité de coupure de ligne blanche pour cause de glissade assurée (en vain), et me suis franchement élevé sur le dépassement à droite (dans le fossé, ou les sous-bois), vu la distance séparant tous les véhicules, et la difficulté à manœuvrer un scooter de cette taille, sous la pluie, au milieu de véhicules à l’arrêt. Dans leur mansuétude, et après palabres avec l’hélicoptère, ils n’ont retenu que la coupure de ligne, en insistant sur le fait qu’il me fallait reconnaître l’infraction. Ce que j’ai fait, ne souhaitant pas passer du temps dans un tribunal à justifier une situation évidente, mais difficilement compréhensible même pour un motard, celle de l’utilisation d’un gros scooter à très petites roues, et de sa stabilité sur des zones à faible adhérence, sous la pluie. Une fois le procès verbal de contravention dressé, nos gendarmes ont plié bagage. J’étais le dernier concerné.

Plusieurs enseignements. Ce déploiement de force est justifié, sur une départementale particulièrement meurtrière. Mais les accidents dangereux pour les personnes y ont lieu en dehors des heures de pointe. Et là, jamais de contrôle. En tout cas pas un de visible sur cette portion en un an, et pas non plus depuis que j’ai récupéré mon scooter (après aménagement dans la région). Dans un tel embouteillage, les seuls conducteurs risquant une infraction sont donc les conducteurs de deux roues, les autres étant quasiment immobilisés. Juste après le rond-point, un radar fixe, fraichement installé, induit habituellement un respect scrupuleux de la part de tous les conducteurs (contrôle arrière). Après une telle attente dans un tel embouteillage, provoqué par la présence de notre groupe d’intervention, la plupart des conducteurs, ont naturellement eu le pied lourd. Par simple curiosité, je me suis arrêté quelques minutes pour vérifier, et près de six conducteurs sur dix ont eu droit au flash… ceux qui y ont échappé se trouvaient derrière un camion. La présence de l’hélicoptère, extrêmement coûteuse (1800 euros de l’heure juste pour la machine), n’est destinée qu’a repérer les éventuelles infractions, qui ne peuvent être commises que par des conducteurs de deux roues, je le rappelle, et à des vitesses forcément faibles, en regard du trafic opposé. Le rapport performance-coût me parait donc relativement faible.

Gendarme Mobile

Conclusion? Ce dispositif ne peut sanctionner directement que des motards, et permet une sanction indirecte en l’activation d’un radar fixe placé juste après. Espérons que le gain dû au radar fixe a amorti les frais du déploiement!

Ah oui, pourquoi Pikachu contre les schtroumpfs? Eh bien regardez plus bas, c’est moi en tenue de pluie (achat de ma femme qui a choisi la couleur pour que je sois bien visible dans le gris parisien ambient), sur mon scooter, et les gendarmes mobiles, de loin, ce sont bien des petits bonshommes bleus et blancs, non? En plus tout ça, ça fait un peu manga… Et ça explique la remarque sur la couleur du contrevenant!

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crédits de moi en jaune

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